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Questions relatives à la fin de vie

la fin de vie Jul 10, 2023

Suite aux questions que j'ai reçues concernant la position de l'islam sur l'accompagnement des personnes en phase terminale, je souhaite afficher aux lecteurs les réponses essentielles à ces différentes interrogations. L'objectif est d'apporter des éclaircissements à ceux qui se questionnent sur ce sujet.

 A/ Que dit l'islam de l'accompagnement d'une personne qui souffre d'une maladie incurable ?

 Tout d'abord, l'islam accorde une importance particulière aux individus confrontés à une maladie, qu'elle soit incurable ou non :

1/ Sur le plan psychologique, l'islam inspire de l'espoir, tant aux patients qu'aux professionnels de la santé qui les entourent, tels que les médecins, chercheurs, infirmiers, pharmaciens, etc. Le Prophète de l'islam ( SSSL) a affirmé : « Dieu n'a pas créé une maladie sans lui apporter un remède. » (rapporté par Bukhârî et Ibno Mâjjah).

2/ Sur le plan adoratif et spirituel, l'islam allège les obligations religieuses pour les personnes malades, notamment en ce qui concerne le jeûne du Ramadan. Quant à la prière, qui représente une relation ininterrompue avec Dieu, même en période de maladie, l'islam dispense les malades de réaliser les ablutions traditionnelles en proposant une purification symbolique, sans eau, appelée « Tayammum ». Et au lieu de faire la prière en position debout, il leur a proposé de faire en étant assis, ou même allongé.

 3/ Sur le plan social, l'islam accorde un droit aux malades à recevoir des visites (hadith prophétique rapporté par Bukhârî et Muslim, qui de la visite du malade un devoir), leur permettant ainsi de maintenir des liens avec leur famille, leurs amis et leurs connaissances.

4/ Sur le plan familial, étant donné que les parents peuvent, avec l'âge, devenir fragiles, dépendants et souffrant de maladies incurables jusqu'à leur dernier souffle, l'islam a responsabilisé leurs enfants pour qu'ils les accompagnent avec compassion durant cette période de leur vie. Dieu enjoint aux enfants, dans un verset coranique :« Ton Seigneur t'ordonne de n'adorer que Lui, de traiter avec bonté ton père et ta mère. Et si l'un d'eux ou tous les deux supérieurs, auprès de toi, un âge avancé, ne leur dis pas : « Fi ! » Ne leur manque pas de respect, mais adresse-leur des paroles affectueuses ! Et par miséricorde, fais preuve à leur preuve d'humilité et adresse à Dieu cette prière : « Seigneur ! Sois miséricordieux envers eux comme ils l'ont été envers moi, quand ils m'ont élevé tout petit ! » » (C17-V23/24).

 5/ Sur le plan humain et sociétal, le Prophète de l’islam (SSSL) dit : « Celui qui n’est pas miséricordieux sera privé de la miséricorde (divine). » (rapporté par Bukhârî et Muslim). Le Prophète (SSSL) évoque ici, de manière générale, la miséricorde que nous devons avoir envers les personnes vulnérables, mais il est bien connu que parmi ceux qui méritent le plus notre miséricorde et notre attention dans la société se trouvent les malades, les personnes dépendantes ou en fin de vie. Il est important de souligner que selon la croyance musulmane, nul ne peut accéder au Paradis sans la miséricorde divine. Ainsi, celui qui refuse sa miséricorde aux personnes vulnérables se prive lui-même de la miséricorde divine et s’éloigne du Paradis.

 6/ Sur le plan médical, Dieu affirme dans un verset coranique : « Quiconque sauve une vie humaine, c’est comme s’il avait sauvé toute l’humanité. » (C5-V32). Ce verset souligne l’importance vitale de préserver la vie humaine, indépendamment de la religion ou de l’origine de l’individu. Il met en évidence l’universalité des soins. Les médecins, ambulanciers, infirmiers, pharmaciens, chercheurs travaillant à trouver des remèdes, ainsi que les professionnels œuvrant dans les laboratoires d’analyse sont les principaux acteurs concernés par ce verset. Toutefois, il peut également s’appliquer à toute personne qui, par une action, sauve une vie humaine, que ce soit dans un lieu public ou privé.

B/ Est-il permis à un musulman de recourir à l’euthanasie pour soulager ses souffrances ?

 1/ Avant de répondre à cette question, il convient de rappeler la perspective islamique sur la maladie, en particulier en fin de vie. La maladie est considérée comme une épreuve de cette vie. Bien qu’elle puisse sembler un mal en apparence, elle renferme en réalité un bien immense si le croyant fait preuve de patience et d’acceptation. Le Prophète (SSSL) a dit : « La grandeur de la récompense divine dépend de l’ampleur de l’épreuve. Et lorsque Dieu aime un peuple, Il éprouve ses individus. Celui qui accepte l’épreuve obtiendra l’agrément divin, tandis que celui qui se rebelle attirera la colère divine. » (Rapporté par At-Tirmidhî et Ibno Mâjjah). De plus, le Coran affirme : « En vérité, les patients (face aux épreuves) seront rémunérés sans compter (dans le Paradis). » (C39-V10). De même, le Prophète (SSSL) a dit : « Les épreuves continuent d’affecter le croyant, homme ou femme, dans son être, ses enfants et ses biens, jusqu’à ce qu’il rencontre Dieu sans aucun péché. » (Rapporté par At-Tirmidhî et Ahmad). Ces enseignements soulignent que les épreuves en général, et les maladies en particulier, purifient le croyant de ses péchés antérieurs s’il fait preuve de patience et d’agrément vis-à-vis de la volonté divine. En effet, toute épreuve vient de Dieu, conformément au verset coranique : « Nulle épreuve ne touche (l’être humain) sans la permission de Dieu.» (C64-V11), et au verset, où Dieu dit : « Dis-leur : « Rien ne nous atteindra, comme épreuve, en dehors de ce que Dieu nous a déjà prescrit. ». » (C9-V51). Refuser l’épreuve revient à refuser l’amour divin, la purification des péchés et l’accès facilité au Paradis. Toutefois, accepter l’épreuve ne s’oppose pas à la recherche de soins et à la prise de médicaments dans le but de guérir ou d’atténuer la souffrance en cas de maladie incurable.

 2/ Certains peuvent envisager la mort comme une échappatoire à la souffrance en fin de vie. Cependant, l’islam interdit strictement cet acte, qu’il s’agisse du suicide ou de l’homicide (par le biais d’une tierce personne), même si la volonté est de faire du bien à la personne en fin de vie.

a. L’homicide :

 - Le meurtre d’un croyant :

Dieu dit : « Quiconque donne la mort intentionnellement à un croyant aura pour rétribution la Géhenne, où il demeurera éternellement, exposé à la colère et à la malédiction du Seigneur, et sera voué à d’immenses châtiments. » (C4-V93).

 - Le meurtre d’un être humain quelconque (même non croyant) :

 Dieu dit dans un verset coranique : « Quiconque tue un être humain non convaincu de meurtre ou de sédition sur la Terre est considéré comme le meurtrier de l’humanité tout entière. » (C5-V32). Ce verset interdit de prendre la vie d’un être humain, indépendamment de sa religion ou de son origine, ce qui souligne la sacralité universelle de la vie. Personne n’a le droit de priver autrui de la vie, et un tel acte est considéré comme un péché majeur, équivalent à l’assassinat de toute l’humanité.

b. Le suicide :

 Dieu ordonne aux croyants : « Ne vous vous donnez pas la mort, car Dieu est plein de compassion pour vous ! » (C4-V29). De plus, il est rapporté qu’un homme gravement blessé mit fin à sa vie en raison de la douleur qu’il ressentait. Le Prophète (SSSL) déclara alors que cet homme était destiné à l’Enfer (rapporté par Bukhârî et Muslim). Il a également dit : « Celui qui met fin à sa vie en ingérant un poison le consommera de façon éternelle en Enfer. » (Rapporté par Bukhârî et Muslim). Ces textes interdisent le suicide pour les musulmans, car il porte atteinte à la vie, qui demeure la propriété exclusive de son Créateur.

 3/ L’euthanasie : 

a. L’euthanasie active :

 Selon la religion musulmane et les textes mentionnés précédemment, l’euthanasie active est strictement interdite pour un croyant, qu’elle soit pratiquée par un professionnel de la santé ou par un proche de la personne en fin de vie. En effet, cela équivaudrait à un acte de meurtre et ferait de celui qui l’accomplit un meurtrier. De même, si la personne souffrante se livre à cet acte, il serait considéré comme un suicide. Pour rappel, l’euthanasie active désigne toute action qui provoque délibérément la mort par l’administration d’une surdose de médicaments, d’un poison ou de toute autre substance mortelle. 

b. L’euthanasie passive :

 Elle consiste à cesser les traitements médicaux qui maintiennent artificiellement en vie la personne en fin de ses jours, permettant ainsi une mort naturelle. Parallèlement, on continue d’administrer à la personne les médicaments qui soulagent sa souffrance ou en atténuent les effets jusqu’à la fin de sa vie. Cette procédure est considérée comme licite en islam. En effet, la prise de médicaments dans le but de se soigner d’une maladie est autorisée mais non obligatoire. Par conséquent, si le corps médical détermine l’inefficacité des moyens utilisés en fin de vie d’une personne, il peut les interrompre, car ces soins ne sont ni nécessaires, selon les textes religieux, ni efficaces d’après le constat des médecins. En revanche, ils peuvent continuer à fournir des soins médicaux visant à soulager les douleurs du malade.

C/ Que pense l'islam de l'évolution législative vers un droit à une aide active à mourir ? 

D'un point de vue musulman, cette évolution est perçue comme régressive plutôt que progressive. Elle est considérée comme une avancée vers un droit de mourir, en opposition au droit universel à la vie. Selon l'islam, la vie appartient exclusivement à Dieu, son Créateur, et à ce titre, le suicide et l'homicide sont strictement interdits. Si une loi reconnaissait le droit de mourir, la grande majorité des musulmans de ce pays ne l'utiliseraient ni pour leur propre mort ni pour donner la mort à autrui :

 - Les musulmans en fin de vie ne voudraient pas se prévaloir de ce droit pour mettre fin à leurs souffrances, car cela serait considéré comme strictement interdit selon leur croyance. En effet, quel sens aurait le soulagement des souffrances terrestres si, juste après la mort, commencent les tourments éternels de l'Enfer ? Tout au long de leur vie, les musulmans ont internalisé le fait que le suicide était interdit. Finir leur vie en commettant l'interdit suprême, et rencontrer Dieu en ayant encouru Sa colère ruinerait tout leur capital de dévotion accumulé. Même si un musulman quelconque choisissait cet acte, il laisserait sa famille et ses amis dans une souffrance réelle et durable, qui s'ajouterait à la douleur de sa disparition.

 - Les médecins, infirmiers et autres membres du personnel médical qui sont musulmans refuseraient de donner la mort à une personne en fin de vie, car celle-ci mérite plutôt leur compassion et leur miséricorde. Selon leur croyance catégorique, tuer quelqu'un ou participer à sa mort revient à tuer toute l'humanité. Or, s’ils se sont engagés dans les différentes professions de soins, c’est pour être les sauveurs de l'humanité, et non pour la condamner. En tout état de cause, ils ne pourraient pas se résoudre à commettre des actes qui, selon leur croyance musulmane, les accablent et les incriminent auprès de Dieu pour l’éternité.

Si le mais de cette loi est de soulager les personnes en fin de vie, les musulmans de France ne se séparent pas ce point de vue et ne voudront pas y avoir recours. En revanche, les non-musulmans sont libres d'adhérer à cette éventuelle loi, que ce soit pour choisir la fin de leur propre vie ou pour aider des personnes malades à y mettre fin, avec leur accord.

En fin de compte, je demande au Très-Haut d'apporter au peuple de France davantage d'unité, de solidarité et de fraternité.

Mohamed Najah